Livres, vins et Vinothèque de la Charrière. Ce sont les thèmes prévus. Mais, lorsque vous rencontrez un passionné, il faut garder le cap vu qu’il est facile de le faire parler ! Résumé d’un long entretien avec Dany Pochon, un natif de la Chaux-de-Fonds. Issu du millésime 1953, il est passionné par le vin et par l’histoire qui l’entoure.

Entretien avec Dany Pochon

Il suffit d’articuler une phrase, un mot. Ensuite, il faut écouter, s’imbiber de ses paroles et uniquement l’interrompre pour ouvrir une fenêtre sur un thème particulier. Une fois celle-ci ouverte, un autre flot de paroles élargit la dynamique de la conversation. Il s’agit juste de savoir refermer cette parenthèse pour retourner au thème initial.

A genou à Château Palmer

C’est un cru bordelais qui a créé les premières émotions vineuses pour Dany Pochon. « J’avais un peu plus de 20 ans et je vivais à Genève. J’ai alors eu l’occasion de goûter un Château Palmer, un 3^ème Grand Cru Classé de Margaux. Cela a été comme un flash pour moi. »

« La première fois que j’ai visité le site du Château Palmer, j’étais tellement sous l’emprise de l’émotion que je me suis mis à genou sur le gazon jouxtant le Château et j’ai brouté de l’herbe pour sentir les racines, la terre, afin de marquer l’importance du moment ! J’étais quand-même à Palmer ! »

Un choix de vin moyen, un appel téléphonique et une inspiration

La passion et l’amour du vin de Dany Pochon remonte à de nombreuses décennies. L’idée de créer la Vinothèque de la Charrière n’était initialement guère à l’ordre du jour.

« C’est suite à un dîner dans un restaurant que le déclic s’est produit » se souvient Dany Pochon. « Le repas était exceptionnel par contre le choix des vins de la vallée du Rhône était catastrophique. J’ai donc téléphoné au patron des lieux pour le féliciter quant à la prestation de sa cuisine tout en lui faisant part de mes doléances concernant la carte des vins. Il m’a alors demandé de faire un choix de 5 bouteilles de vins du Rhône et de les livrer.

Après la dégustation, il m’a informé qu’il les appréciait tous et m’a demandé si j’étais marchand de vin. J’ai répondu par la négative mais après cet épisode j’ai décidé de me lancer dans le commerce du vin ».

Vinothèque de la Charrière à La Chaux-de-Fonds © Photo : Lucas Vuitel

Ouverture d’une vinothèque en 1986

En 1986 Dany Pochon et son épouse Nadia ouvraient la Vinothèque de la Charrière. 26 ans plus tard, en 2012, ils inauguraient la succursale de Neuchâtel, gérée par leur fille Sophie Pochon. Cette dernière accompagne régulièrement son père lors de dégustations et de visites de domaines.

Pour juger un cru il faut connaître l’histoire et la culture du vin

Dany Pochon connait les coins et recoins des régions vinicoles, les différentes parcelles et l’histoire des propriétés. Ce savoir est un cumul de lectures et d’entretiens au fil des décennies.

Il faut dire que ce ne sont pas les sources littéraires qui lui manquent puisqu’il dispose d’une bibliothèque comptant de nombreux ouvrages dédiés au vin, dont certains sont extrêmement rares.

« Juger un vin ne se limite pas à le goûter, il faut connaître l’histoire et la culture. Le vin marque notre civilisation depuis plus de 8 000 ans »

Bibliothèque colossale : plus de 10’000 livres

© Photo : Lucas Vuitel

Dany Pochon possède une bibliothèque comptant plus de 10 000 ouvrages dédiés au vin, dont certains sont extrêmement rares.

Parmi les ouvrages présents dans cette inestimable bibliothèque, on trouve par exemple des manuscrits en rouleau, datant du 13^ème siècle.

A la question de citer un livre qui lui tient particulièrement à cœur, le Chaux-de-Fonnier ne peut se décider et il en cite trois.

Un livre du Comte Odart, père de l’ampélographie (ndlr. Etude de la vigne et de ses cépages).

Un ouvrage en deux volumes au format In-Folio (en règle générale 43x33cm) de Victor Rendu de 1857 avec la représentation de 70 variétés de raisins peintes à la main.

Finalement, le « Traité sur les vins du Médoc et les autres vins rouges et blancs du département de la Gironde » de William Franck, un négociant anglais, en édition originale de 1824.

Cet ouvrage contient la première classification des vins de Bordeaux par communes, précédant celle de 1855, d’ailleurs toujours actuelle.

© Photo : Lucas Vuitel

Bibliothèque liquide

Outre cette vaste collection de recueils, un autre trésor habite la Vinothèque de la Charrière, un étage plus bas. On y trouve de nombreuses caisses en bois contenant les plus prestigieux vins du monde, que ce soient des crus de Bourgogne, de Bordeaux, de la Loire, ou de la vallée du Rhône.

On y trouve également d’excellents vins suisses, de Genève jusqu’aux Grisons, en passant par Neuchâtel bien évidemment.

© Photo : Lucas Vuitel – Mouton Rothschild 1874

Lorsque Dany Pochon montre un des joyaux de sa collection, en l’occurrence une bouteille de Mouton-Rothschild 1874. Il peine à contenir ses émotions avec un mélange de fierté et des yeux humides. Une passion intacte, et pourtant le marchand de vin de la Chaux-de-Fonds en a tenu des bouteilles de ce niveau-là, entre ses mains.

L’assiduité régulièrement récompensée

Dany Pochon est régulièrement membre du jurys internationaux (France, Allemagne), de comité de dégustation de revues et guides spécialisés et encore jury de la finale du meilleur sommelier de Suisse.

Des vins importés en exclusivité pour la Suisse par la vinothèque sont envoyés chaque année au concours Expovina à Zurich. « C’est un exercice important pour situer le niveau des crus vendus sur le marché helvétique ».

Les vins sont dégustés à l’aveugle. Une fois les résultats divulgués, les importateurs ont connaissance des éventuelles distinctions des vins qu’ils ont présentés.

Meilleur importateur des crus de France

« Nous sommes plus de 3 000 importateurs en Suisse, le marché et la concurrence sont donc très durs »

Le directeur de la Vinothèque de la Charrière est fier d’avoir décroché le titre de « Meilleur importateur de vins français » à quatre reprises ».

« En 2019 nous avons obtenu la moitié des médailles d’or de l’ensemble des vins français primés à Expovina, et pourtant nous ne sommes pas élus meilleur importateur de crus de France cette année. Ils ont changé le règlement !» ajoute-t-il avant d’humer à nouveau le vin qu’il a servi durant l’entretien.

Ses yeux sont brillants. Le vin est magnifique, il n’a guère besoin de le dire, son sourire et son silence parlent pour lui.

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