12 Juil Vin nature du Cru de l’Hôpital
Le vin nature c’est du vin, juste du vin
A la base, on aime ou on n’aime pas le vin, mais cette vision très réductrice masque la complexité du sujet. Le terme est vaste, presque générique, puisqu’il est fondamentalement utilisé dans des contextes qui ne sont pas forcément liés à du vin !
Le vin nature n’est qu’une infime partie de cet univers et avant d’entrer dans la thématique annoncée j’aimerais faire un bref survol de l’étymologie du mot « vin ».
Toutes sortes de vins… qui n’en sont pas forcément
Prenons l’exemple helvétique du vin cuit, un produit à base de concentré de fruits, en général des poires ou des pommes et, rarement, du raisin. Il est utilisé pour élaborer des desserts (tarte au vin cuit) ou pour la moutarde de Bénichon.
Il existe du vin de framboises et même du vin de pissenlit, mais ce ne sont pas des vins au sens stricte du terme, puisqu’ils ne sont pas issu de raisins fermentés. On sert également du vin chaud, lors des marchés de Noël par exemple. Le vin chaud est en général composé de vin rouge auquel on ajoute différents ingrédients comme de la cannelle, des clous de girofle, du miel, etc. et il est bien évidemment réchauffant et agréable par temps froid.
Le vin aujourd’hui
On parle aussi de vins aromatisés, ou de vins mutés… Ces deux dernières catégories sont issues de vins de raisins mais on y ajoute, par exemple, des herbes aromatiques ou de l’alcool dans le cas des vins mutés. C’est d’ailleurs bien là que la définition moderne du vin est claire : le vin est une boisson issue de la fermentation de raisins.
Les quantités d’aujourd’hui et d’autrefois
Cette boisson alcoolisée a connu bien des variantes de consommation. En Grèce antique par exemple, on ne mettait pas de l’eau dans du vin, mais plutôt du vin dans l’eau. Si l’on s’intéresse aux habitudes de consommation, on remarque également que les quantités quotidiennes ont drastiquement baissées avec le temps, mais probablement que le taux d’alcool était bien plus bas au moyen-âge qu’au 21ème siècle.
Ainsi, la Revue d’Histoire de la Pharmacie cite l’exemple du vin à l’hôpital selon des écrits de Denis Durand de Boursingen « La santé par le vin ; vin et hôpital du Moyen-Âge à 1870 ». On s’y réfère aux journaux des Hôpitaux universitaires de Strasbourg où la ration moyenne quotidienne était fixée à un pot, soit deux litres à l’époque !
Si ce n’est clair, c’est donc trouble
Ce préambule n’a pas forcément pour ambition de clarifier en semant le trouble, mais de relever une forme d’évolution dans la mesure où il y a une définition de base, dans l’ère moderne, du terme « vin » et que tendanciellement on y ajoute des adjectifs non plus pour mettre en évidence le type mais plutôt la philosophie.
Vin vivant, vin libre, vin nature
Quand on parle de vins effervescents, on peut partir du principe qu’il y a des bulles, contrairement aux vins tranquilles. Si l’on parle de « vin jaune » on sous-entend deux éléments, respectivement la vinification et une région. Lorsque l’on parle de « vin nature » on évoque alors une approche où l’on sait plus moins de quoi il s’agit mais où les régulations, lorsqu’il y en a, varient dans un tas de contextes différents.
C’est normal, les choses se font, se mettent en place. On voit ainsi naître des cahiers des charges et des chartes, définis, entre autres, par des organes de certification, ou par des regroupements et association de viticulteurs, etc. etc.
Il faudra certainement encore plus uniformiser, encore plus réguler, mais quand on sait que le vin nature est également appelé « vin vivant » ou « vin libre » on peut aisément imaginer qu’il sera difficile de mettre tout le monde d’accord, tout en se souvenant que ce type de vin fera de plus en plus partie des modèles économiques vinicoles, vu que la demande est en hausse, tous comme les exigences qualitatives d’ailleurs.
Le vin nature s’installe
Il faut avouer qu’on ne l’a pas vraiment vue venir cette mouvance. D’abord considérée comme un mouvement alternatif et protestataire, il était difficile d’interpréter concrètement les ambitions. Elle n’a pas été prise au sérieux car par suffisamment fiable qualitativement et n’intéressait que peu de consommateurs. Néanmoins, comme elle commençait à faire pas mal de bruits, de plus en plus de milieux s’y sont intéressés.
Je ne vais guère aller plus loin dans mon résumé qui ne fait que survoler la thématique et qui est, surtout, issu de mes observations à moi. Si je regarde ce qui se passe aujourd’hui, alors je constate une professionnalisation et des ambitions bien claires : il faut que ce soit performant, de qualité et transparent, même si c’est trouble ! Et c’est là que, enfin, j’en viens à l’essentiel :
Les vins de Christian Vessaz du Cru de l’Hôpital
Lors de sa présentation du 10 juillet au Cru de l’Hôpital, Christian Vessaz a annoncé que les règles pour la dénomination « vin nature » ont été fixées, respectivement qu’une charte a été définie. Les points importants en résumé :
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- Levures indigènes (pas d’ajout de levure sélectionnées)
- Pas d’ajout de soufre (ni durant la vinification, ni avant la mise)
- Pas de filtration
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J’ai retenu les essentiels, il en manque certainement. Le fait d’exclure le soufre de la vinification fixe la barre quand-même assez haut. Les vins présentés ont parfaitement assumé les ambitions de Christian Vessaz. Un niveau de qualité élevé, des vins propres mais avec des spécificités à découvrir. Le vin nature commence à se faire sa place, certes pas en quantité, mais en qualité et c’est bien plus important.
Les vins dégustés
Alloy 2019
Chasselas
Bouquet un peu sur la retenue mais néanmoins floral et fruité. Nuances de pommes vertes. Attaque racée et juteuse. Beaucoup de tension et de fraicheur en bouche. Un vin de caractère. Maintenant – 2023 89/100
Noirier 2018
Pinot Noir
Quelle couleur ; pourpre aux reflets violets. Bouquet intense révélant des notes de griottes et de mûres. Rafraîchissante touche herbacée. En bouche le vin est marqué par une belle tension qui confère de la race, de la fougue. C’est clairement une dimension de Pinot que l’on ne connaît pas vraiment sous cette forme dans la région, de par cette surprenante puissance. Les tannins sont néanmoins fins et assurent idéalement les arrières. Remettre les compteurs à zéro et goûter. Maintenant – 2025 90/100
Beurot 2018
Pinot Gris
Superbe bouquet révélant de classiques marqueurs variétaux tels que figues et cendres froides. Belle expression aromatique en bouche où je relève des arômes d’oranges. Le vin a du corps, du tempérament et de la persistance. Une belle réussite. Maintenant – 2024 92/100
Cuvée 2019
50% Charmont, 50% Johanniter
Robe dorée claire. Bouquet complexe et filigrane aux notes de tabac blond et d’amandes, suivies d’une touche herbacée. Attaque racée et expressive. Le vin est vif et idéalement soutenu par son acidité. Il a de bonnes perspectives et je suis curieux de suivre son évolution dans le temps. Maintenant – 2025 90/100
Naturé rose 2019
Traminer
Bouquet marqué par des notes florales et minérales avec de la menthe poivrée et des roses sauvages. Le vin révèle bien sa réduction ce qui lui octroie de la réserve et lui permettra ainsi d’aller dans le temps afin de s’épanouir et présenter une expression olfactive encore plus soulignée. Attaque friande et acidulée. Caractère vif, expressif et persistant. Un Traminer brillant et très long. Maintenant – 2025 91/100